Interview: qui êtes-vous ?

-D'abord, permettez-moi de vous dire, vous ne faites pas votre âge..
-non, je sais, je fais beaucoup plus.
-Heu!.. quel âge ?
-ingrat.
-Pourtant épanoui ?
-non, bêtement inhibé.
-Oui mais, dans l'air du temps ?
-peut-être, mais c'est un air con.
-Ah, bon? alors.. heu!.. essayons de mieux vous connaître.. heu!.. misanthrope ?
-non, mise au point.
-Que regardez-vous là-haut ?
-la question en suspend.
-Quelle question ?
-la guerre est-il un sport ?
-ah!.. et Dieu alors ?
-moi, pour rencontrer Dieu, je fais le mort.
-Bon. Heu!.. avez-vous un conseil a donner ?
-je ne conseille à personne de vieillir.
.-Avez-vous une remarque à faire ?
-je crois que les grands de ce monde se moquent du monde.
-Heu!.. vous avez des certitudes, peut-être ?
- non.. si, une seule. Je n'irai pas à mon enterrement, j'aime pas la foule.

vendredi 25 octobre 2013

Retour sur investissement.

Quand j'étais petit, je n'étais pas grand. Je me blottissait dans de nombreux rêves. Des rêves plus hauts que les grandes personnes. Je rêvais comme un géant. Les grandes personnes m'ennuyaient avec leurs causeries et leurs formulaires. Je ne serais pas comme eux. Depuis, je fais la grimace. Je dors la bouche ouverte et j'ouvre des portes. Inadapté, je crois. Je me poursuis. Nain au milieu des hautes herbes, vagabond sur de vastes plaines hospitalières, mais aussi enjambant des montagnes .Toujours ébouriffé, avec le firmament dans le fond des yeux. Je mets les mains dans les nuages. Je suis donc dans la lune, on me l'a assez dit.
 Je fuis les bavardages, intéressant à dire, mais ma conversation est interminable: je parle tout seul et à haute voix, accompagné d'une gestuelle de rat d'opéra. Je brille. J'ai du monde avec moi. Un monde invisible. Des êtres et des choses de lumière. Un monde en lévitation et aux pieds d'argile. Je me dis, l'avenir est tout proche et le passé d'un autre âge. Je dis mais je doute. L'ennui faisant étau. Je m'écroule et je me relève. J'ai du vent dans les manches. Alors je marche en mon royaume, vaincu et convaincu. Inactuel. La terre roule en boule ! Je ne trouve pas de frontières. Je ne suis pas féru de patriotisme. La vie fait face aux croyances. Je préfère la parole à l'éloquence. Je ne suis ni moral ni amoral; ni au-dessus ni au-dessous; ni mieux ni moins bien; ni poli ni impoli. Je ne fréquente pas les coutumes et les traditions. Légèrement suranné? peut-être. Je suis très fidèle à la vie. Je suis pour mon maintien en liberté. J'ai brisé ma laisse pour échapper aux postures. Je ne vends pas mon âme, je la partage.
 Pour sûr, je côtoie régulièrement la solitude. Elle n'est jamais très loin, plutôt proche, élégante et nue. Je me fais discret sur son sein. Je me consume sans consommer. Je n'ai pas de fonction, pas d'identité, pas d'âge ( à part celui des autres ). Je sers la main au singulier à l'incongru à l'imparfait. On me rappelle à l'ordre ! Ma position est maladroite, inconfortable. Ma ligne de vie, c'est le choix et la liberté. Je suis d'une prudence toute naturelle. Ne pas être blessant, ni un juge arrogant. C'est ça ma sécurité. Je ne suis pas homme d'expérience. Je n'ai pas un cabinet de conseils à vous proposer. Un peu de délation, parfois. Je dénonce l'absence à soi ! Et j'ai une requête - dites-nous - J'aimerais que les enfants éduquent leurs parents - Ah! qu'il est bête!
  Je n'écoute pas les catéchismes. Vivre, c'est une raison d'être. Je ne tiens pas à perdre le réel. Je ne vois qu'un tout. Une consanguinité universelle, sans doute. Je vis en érection avec des mots de tête, le corps roulant dans les frissons, l'esprit ailleurs. Je tutoie le cosmos, cet infini inaudible à nos yeux et qui ne nous remarque même pas. Alors, je consulte les étoiles, sans succès. Les réponses précèdent les questions. Je vais à l'intuition, célèbre pour ses résultats. Il y a des signes qui ne trompent pas. Tout un lac de signes. Faire son choix!
 Mais je dois avouer que j'ai une santé chancelante. Je fais des crises d'empathie qui me laissent sur le carreau. Epuisé, je me débine. Nulle part je ne suis un touriste. Je voyage sans fusée. Je traverse des contrées où les distances n'existent pas. Lorsque je suis là-haut là-bas je ressent un amour fou des miens des siens des vôtres, et la terre me propose une embauche. Au niveau de mon incompétence, c'est tout bénéfice! Voilà que s'ouvrent les portes de la création!
 Pourtant, je tombe en inhibition. Je suis sur les genoux. Je ne consulte plus les horaires. Je traverse des spasmes mouvants, comme un mortel . Toujours je renais! Je sais que je ne suis pas cet humain cassé, propriétaire de la nature, qui badine, décapite le philosophe et chasse le poète. Je ne suis pas de cet hédonisme de centre ville, mou et apaisé, malhonnête et sans plaisir, où seuls les prix sont affichés. Je ne m'admire pas dans l'écran. La pire des crasses, c'est la trahison à soi. Ne plus se reconnaître. Voilà ce dont l'humanité est affligée. Et je dis je. Je, pour une fois. Pour percer l'écran de fumée en solitaire. Cela n'a rien de révolutionnaire.

La planète en petits chaussons.

Chassez le naturel, il ne revient plus au galop.

L'aventure humaine touche à sa fin.
L'aventure technologique est dans les starting-blocks.
Une chirurgie ésotérique sur la nature de l'être.
Résultat d'un calcul et d'une offre généreuse. Formule innovante.
Bidouillage narcissique pour urbains civilisés,
Se dandinant devant la dépouille du silence,
Et avides de besoins artificiels.
Un bonheur à grandes lampées,
Pour un produit dérivé: L'homme mécanique.
Des filles et des garçons en rêves blancs.
Visages au diapason. Orgasmes sur canapé.
Identité contrôlée. Maniérisme ventilé. Etiquettes de fonction.
La planète en petits chaussons.

Une fois dissocié l'homme, le grand homme, le surhomme, et le petit d'homme,
Une fois assimilé la contestation et les trublions,
Et une fois poussé la guerre et la paix sous les feux de la rampe,
Chassés-croisés entre bases de loisirs et champs de guerres,
On a atteins le spectacle en continu. Un indéniable succès.

Reste à coloniser le réel,
Pour un trafic clair et fluide de la matière de l'énergie.
Les architectes de la réglementation, régimentent, hygiénisent,
Et posent les sens interdits.
Discipline, concentration, inconditionnelle abnégation.
Plus rien à cacher.

Nous sommes benêts savants,
Classieux et trompetants,
Diplômés en convenances de premier choix, régisseurs d'éclatantes certitudes, amateurs de pensées iniques.
On battit de hautes écoles à la pointe des connaissances,
Pour enseigner un cynisme de qualité, exportable jusqu'aux étoiles.
Les voix sont enjôleuses, la séduction craquante, et la méditation revitalisante.
On est cool, et on pointe sur les enfants la leçon de morale.
Protection rapprochée. Place aux normes.
Voici le bien, voici le mal, et voici les prothèses.

Tous les goûts ne sont plus dans la nature.